Un historien et un homme d’action (1886 – 1944)
Historien français, spécialiste du Moyen-Age, Marc Bloch a été professeur à l’Université de Strasbourg, puis à la Sorbonne.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages comme Les rois thaumaturges ou L’étrange défaite.
Il fonde les Annales d’histoire économique et sociale en 1929 avec Lucien Febvre. Cette revue renouvelle la conception de l’Histoire en lui conférant une dimension économique et sociale.
Il est mobilisé en 1914 et en 1939, puis s’engage dans la Résistance en 1943. Il participe à la création du réseau “Franc-Tireur”, très actif en zone sud.
Arrêté, il est torturé, puis fusillé par la Gestapo le 16 juin 1944.
Premiers pas d’historien
Issu d’une famille juive, Marc Bloch était le fils de Gustave Bloch, professeur d’histoire ancienne à l’université de Lyon, lui-même fils d’un directeur d’école. Il fait des études secondaires brillantes à Paris, au lycée Louis-le-Grand puis entre à l’École normale supérieure en 1904. Il est reçu à l’agrégation d’histoire et de géographie en 1908. Marc Bloch suit de 1908 à 1909 les cours des facultés de Berlin avant d’être pensionnaire à la Fondation Thiers (1909-1912).
Professeur de lycée (Montpellier puis Amiens) quand éclate la Première Guerre mondiale, il est mobilisé comme sergent d’infanterie. Chef de section, il termine le conflit avec le grade de capitaine, dans les services de renseignement. Marc Bloch est cité quatre fois à l’ordre de l’armée, est décoré de la légion d’honneur pour faits militaires et reçoit la croix de guerre.
En 1919 il épouse Simonne Vidal, fille d’un polytechnicien dont la famille, depuis le XVIIIe siècle, était enracinée dans le Comtat Venaissin et en Alsace ; six enfants naissent de ce mariage, dont Etienne, l’auteur de la “biographie impossible” en 1997. Marc Bloch est nommé professeur à la faculté de Strasbourg, nouvellement française, où ses qualités professorales et sa rigueur méthodologique représentent alors une vitrine prestigieuse pour l’université française. Il y rejoint des enseignants de premier ordre comme Lucien Febvre ou André Piganiol, avec qui il noue des liens fructueux. Il soutient une thèse de doctorat allégée, au propos déjà neuf, sur l’affranchissement des populations rurales de l’Ile-de-France au Moyen-Age : Rois et Serfs (1920).
Marc Bloch publie en 1924 son œuvre magistrale, Les Rois thaumaturges. Il y expérimente avec audace une méthode comparatiste empruntée aux maîtres de linguistique (il parle lui même une dizaine de langues). En 1931, son ouvrage le plus maîtrisé, Les Caractères originaux de l’histoire rurale française, innove une fois encore car il exploite une interdisciplinarité peu courante à cette époque (botanique, démographie, etc.) pour mieux comprendre l’évolution des structures agraires de l’Occident médiéval et moderne. En 1928, Marc Bloch introduit sa candidature au Collège de France et propose d’enseigner une « histoire comparée des sociétés européennes ». Malheureusement ce projet échoue. Il retentera sa chance en 1934-1935, mais avec le même résultat.
L’aventure des Annales
Bloch participe en 1929, avec le « groupe strasbourgeois » dont Lucien Febvre, à la fondation des Annales d’histoire économique et sociale dont le titre est déjà en lui-même une rupture avec « l’histoire historisante », triomphante en France depuis l’école positiviste. Bloch y publie jusqu’à la guerre d’importants articles mais surtout de brillantes notes de lecture dont l’impact méthodologique s’est fait encore sentir après sa mort et jusqu’à aujourd’hui.
Succédant à Henri Hauser à la Sorbonne en 1936 (chaire d’histoire économique), la guerre le surprend à la plénitude de sa carrière et de ses recherches.
Un historien dans la guerre
Malgré son âge (53 ans), une polyarthrite invalidante et une famille nombreuse, il a demandé à combattre, se déclarant lui-même « le plus vieux capitaine de l’armée française ». Affecté au service des essences, il refuse de suivre les cours de l’École de guerre, ce qui lui interdit toute future promotion. Héros, il sera cité à l’ordre du Corps d’Armée. Il voit de très près le naufrage de la IIIe République. Marc Bloch a tiré de cet événement majeur, qui a bouleversé sa vie, L’Étrange Défaite un livre posthume écrit dans la maison qu’il possédait au hameau de Fougères, commune du Bourg-d’Hem (Creuse) de juillet à septembre 1940, et publié en 1946.
Après la Campagne de France de 1940, il est – en tant que juif – exclu de la fonction publique par le gouvernement de Vichy en octobre 1940. Son appartement parisien est réquisitionné par l’occupant, sa bibliothèque expédiée en Allemagne. Il est rétabli dans ses fonctions pour services exceptionnels par le secrétaire d’État à l’Éducation nationale Jérôme Carcopino, ancien élève de son père, et nommé à la Faculté de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand. Il y continue ses recherches dans des conditions de vie très difficiles et en proie aux pires inquiétudes. Du fait de la santé de sa femme, il demande et obtient une mutation à Montpellier en 1941. Il entre dans la clandestinité fin 1942, quand les Allemands envahissent la zone libre. Réfugié dans la Creuse, Marc Bloch rédige alors, sans documents et dans des conditions difficiles, Apologie pour l’histoire, ou Métier d’historien (publié en 1949 par les soins de Lucien Febvre), livre dans lequel il résume avec brio les exigences singulières du métier d’historien.
En 1943, après l’invasion de la zone sud qui ne le laisse en sécurité nulle part, il s’engage dans la Résistance, dont il devient un des chefs pour la région lyonnaise au sein de Franc-Tireur, puis dans les MUR (Mouvements unis de la Résistance). Il est arrêté à Lyon le 8 mars 1944 par la Gestapo, torturé, et meurt fusillé aux côtés de quelques autres résistants qu’il animait de son courage le 16 juin. Georges Altman, dans la postface de L’Étrange Défaite décrit les derniers instants de vie de ce grand résistant :
« Car on sait comment il est mort; un gosse de seize ans tremblait près de lui: “Ca va faire mal”. Marc Bloch lui prit affectueusement le bras et dit seulement : “Mais non, petit, cela ne fait pas mal”, et tomba en criant le premier: « Vive la France ! ».
Par la suite, ses cendres ont été rapportées dans le cimetière du Bourg-d’Hem.
Un legs considérable
Marc Bloch, moins polémique que son aîné Lucien Febvre, rejoint cependant celui-ci par la rigueur de ses analyses et sa volonté d’ouvrir le champ de l’histoire aux autres disciplines scientifiques. De plus, sa contribution à l‘histoire médiévale, par la variété de ses sources et la rigueur de son analyse, reste encore aujourd’hui largement utilisée par les chercheurs.
À l’instar de ses collègues de l’École des Annales, Marc Bloch suggère de ne pas utiliser exclusivement les documents écrits et de recourir à d’autres matériaux, artistiques, archéologiques, numismatiques… Plus qu’aucun autre responsable des Annales, il s’oriente vers l’analyse des faits économiques. Également partisan d’une unicité des sciences de l’homme, il cherchera un recours permanent à la méthode comparative, favorisera la pluridisciplinarité et le travail collectif chez les historiens.
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